« Her », l’amour 2.0

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De Spike Jonze, avec Joaquin Phoenix, Amy Adams, Scarlett Johansson, Rooney Mara, Olivia Wilde.

Lauréat de l’Oscar du meilleur scénario original, Her est acclamé par les critiques. Alors que les Inrocks le qualifie de « drôle et virtuose », le magazine de cinéma Studio Ciné Live n’hésite pas à dire que le long-métrage Spike Jonze est « un des plus grands films de l’année ». Très vite, les spectateurs ont rejoint l’engouement général. À la sortie des avants-premières, l’enthousiasme est là, les cinéphiles en ont pris plein les yeux et plein de le cœur. Le long-métrage sortait en France ce mercredi 19 mars, et on annonce déjà Her comme le meilleur film de 2014. Est-ce trop tôt pour le dire ? Clairement. Est-ce que cette affirmation est fausse ? Absolument pas. Au centre de la non-conformité adoptée en normalité, la relation particulière de Theodore et Samantha s’affirme comme une histoire d’amour, belle et déchirante. Par ailleurs, le réalisateur évoque, tout en finesse, l’éternelle question des rapports entre les humains et les machines, et met également en avant celle de la différence ; alors qu’aujourd’hui le débat sur les couples homosexuels fait encore couler beaucoup d’encre, Spike Jonze, d’une certaine façon, le soulève une nouvelle fois, mais sans porter de jugement sur cette différence qui peut s’immiscer dans une relation sentimentale.

De quoi parle Her ? D’une histoire d’amour entre un homme, Theodore, et un programme informatique qui se laisse appeler Samantha. Le film se déroule dans un futur proche, où les machines ont pris part au quotidien des humains. Alors que Theodore a du mal à se remettre de sa rupture avec sa femme, il acquiert un tout nouveau système d’exploitation, capable de s’adapter à la personnalité de son utilisateur. Plus qu’un service quelconque, cette voix, qui est l’âme du logiciel, se transforme vite en confidente pour un Theodore lasse, et qui ne demande qu’à aimer. Petit à petit, chacun de leur côté, les émotions et les sentiments de Samantha et de Theodore grandissent, jusqu’à ce qu’ils tombent amoureux.

Une histoire d’amour pas des plus banales puisque Theodore s’empreint de son ordinateur, de quelque chose de non-vivant, qui s’exprime qu’à travers une voix. Toutefois, Spike Jonze ne se montre pas réducteur, et laisse la relation se développer, comme si elle évoluait entre deux individus normaux. Le réalisateur nous invite à s’intéresser à leur histoire, mais surtout à s’émouvoir de leurs tendresses, de leurs attentions, de leur hardeur… Comme un couple normal, Theodore et Samantha se racontent leur journée, ils se baladent sur la plage, ils rient ensemble, et ils ont même des relations intimes. Mais là ne réside pas tant l’exploit admirable de Spike Jonze. La prouesse vient de la façon de traiter l’opinion de l’entourage sur la relation engagée entre Theodore et Samantha : alors que pour nous, spectateurs, le choc est quelque peu déroutant, pour les habitants de ce futur proche, ce genre de relation n’a rien d’étonnant, et en aucun cas sont ils écœurés. À travers le couple que forment Theodore et Samantha, le réalisateur nous montre que la normalité n’a pas de définition, et qu’il n’existe aucune différence dans le monde, surtout en matière d’amour. L’amour, l’unique, le vrai, naît entre deux individus, qu’ils soient tous les deux des hommes, qu’ils aient d’une différente couleur de peau, que l’un soit jeune et l’autre âgé, que l’un soit un humain et l’autre un programme informatique… La différence s’élevant ainsi au rang de la normalité.

Dans Her, Spike Jonze fait évoluer son personnage dans un élan de solitude. Theodore ayant vécu une rupture très difficile, il côtoie plus ses jeux vidéo que n’importe qui d’autre. Cette solitude se ressent de façon assez puissante tout le long du film. Spike Jonze utilise à plusieurs reprises des plans d’ensemble, qui montrent Theodore seul, au milieu de son environnement (son bureau, son appartement…) La bande originale contribue aussi à cet aspect, et les mélodies d’Arcade Fire nous transpercent de mélancolie. Une solitude qui revient de nombreuses fois dans l’histoire, notamment à la fin, après le dénouement implacable, celui qui déchire les cœurs mais les réunit tout autant dans une peine commune.

Avec Her, s’élève dans le ciel l’espoir d’un monde nouveau, dans lequel la normalité et la différence sont deux mots synonymes, qu’ils ne s’entrechoquent pas dans des discussions houleuses dans lesquelles les points de vue divergent inévitablement. D’un autre côté, et c’est un point que soulève implicitement Spike Jonze, Her pose la question de la relation homme/machine, et engage la possibilité d’un futur numérisé, où les humains seront constamment assistés par des ordinateurs. Plus qu’une dystopie, Her est le fruit d’un réalisateur visionnaire. Au final, outre les questions éthiques et sociétales mises en avant par Spike Jonze, Her reste avant tout une histoire d’amour, sincère, aussi magnifique soit-elle, où l’on ressent chaque émotion, chaque frisson, chaque petit papillon qui virevolte dans le ventre…

4 réponses à “« Her », l’amour 2.0

  1. Beau texte, pour un film qui est très nettement dans le lot de tête de ce début d’année. J’ai également été ému par cette relation particulière mais également très effrayé par cette vision de notre lendemain frappé de solitude et de dépression. Au-delà du rapport homme-machine, je pense que « her » est un état des lieux sur les relations humaines, un constat désenchanté qui heureusement s’ouvre vers une perpective plus optimiste. L’histoire entre Theodore et Samantha ne doit pas éclipser celle qui larve depuis longtemps entre Theodore et Amy.

    • Je suis d’accord avec toi sur ce que tu dis sur les relations humaines. Et moi aussi toute cette solitude qui émane de Theodore m’a quelque peu déroutée ! Je pense qu’il y a énormément de sensations qui se dégagent de ce film, et celui-ci traite de plusieurs faits ; et tout cet ensemble est abordé avec beaucoup de lucidité par Spike Jonze. Le réalisateur a réussi à cerner notre monde, et finalement, cette étrange histoire d’amour entre Samantha et Theodore ne déroute pas tant que ça… À croire que la société est sur le point d’évoluer dans le sens que Spike Jonze entend.

      • Sous couvert d’anticipation, Spike Jonze chronique le monde actuel. Il simplement devancé de quelques années l’évolution des technologies. Pour le reste, il suffit de regarder autour de nous, les comportement sont les mêmes, jusqu’à cet attachement fidèle et presque exclusif aux machines et autres réseaux sociaux.

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